Maître du trait
Peintre japonais fier de ses origines, Foujita a puisé ses sources d’inspiration dans les compositions allégoriques classiques des grands maîtres européens comme Michel-Ange, Poussin, Vélasquez, mais aussi dans la sculpture de Rodin. Il créé un univers singulier, à la frontière entre l’Orient et l’Occident.
En 1928, alors qu’il connaît un succès international, Foujita délaisse ses projets pour réaliser une œuvre monumentale composée de quatre toiles mesurant chacune 3 mètres par 3 mètres. Ces œuvres marquent l’aboutissement de ses recherches, comme il l’écrit à son épouse Youki, à qui il les confie en octobre 1931 avant de partir pour un tour du monde.
Ces quatre toiles, admirables de virtuosité et de délicatesse, sont peintes sur un fond blanc crayeux obtenu à partir d’une technique très confidentielle[1]. La matière, lisse et satinée, offre une transparence rare. Pourtant, le sujet est obscur, et les titres choisis par Foujita – Grande Composition et Combats – n’en favorisent pas sa compréhension. Ces tableaux, formant un ensemble de deux diptyques, offrent la vision de deux univers opposés qui semblent se répondre : l’un empreint d’une certaine douceur lascive, fait échos à l’autre, tumultueux et violent.
L’étude des dessins préparatoires de Foujita révèle que l’artiste dessine sur papier une première esquisse très détaillée de chaque figure, puis les reproduit plusieurs fois sur des calques, au point de pouvoir les dessiner de mémoire. Ce travail s’inspire directement de l’art japonais du tsukuri-e, « dessin construit », et permet à l’artiste de retrouver l’épure du dessin et de reproduire plus aisément à main levée ses motifs séparément.
Ces toiles ont suscité l’admiration de tous, au point que certains critiques qualifièrent Foujita de « magicien ». Exposés en 1928 à la Galerie Bernheim puis au musée de l’Orangerie, elles n’ont jamais été réexposées à Paris depuis cette date. Longtemps crues perdues, elles furent données en 1992 par sa dernière femme, Kimiyo Foujita, au Conseil départemental de l’Essonne qui mena une longue campagne de restauration avant de les exposer au Domaine de Chamarande en 2007-2008.
[1] « Nyuhakushoku » ou « blancheur de lait », technique jalousement gardée par Foujita