Foujita et les Arts du spectacle
La confection de costumes et décors de théâtre par Foujita constitue une facette méconnue de l’artiste. Cet aspect fut redécouvert à l’automne 2003 à Tokyo, où une exposition organisée dans le nouvel immeuble de Prada présentait, pour la première fois au Japon, les costumes dessinés par Foujita pour Madame Butterfly, opéra de Giacomo Puccini.
L’événement était en lien avec la représentation de l’opéra au même moment à Tokyo par les artistes de la Scala de Milan. La première représentation de Madame Butterfly, dont l’intrigue se situe à Nagasaki à l’ère Meiji, eut lieu en 1904 à La Scala de Milan. En 1955, lorsque Maria Callas y joua Madame Butterfly, Foujita s’occupa des décors, des costumes mais également des tissus, qu’il teignit lui-même. Pour les couleurs bleues et roses, il utilisa une teinte chimique tout juste arrivée de Chine au début de l’année 1950. Madame Butterfly porte ainsi des kimonos teints au pochoir dont certaines parties sont peintes à la main. La représentation connut un large succès et fut reprise six fois de 1952 à 1971. Produite également à l’étranger, elle se célébra notamment à l’Opéra national de Vienne ou au Lyric Opera of Chicago.
L’exposition de Tokyo présentait onze costumes d’une extrême délicatesse dessinés par Foujita, ainsi que le film de la représentation tourné dans les années 1950. Les aquarelles détaillées des costumes et des tissus témoignent de la passion de l’artiste pour les arts du spectacle. Amoureux des matières, Foujita a apporté sa précieuse minutie à l’opéra : chaque mouvement d’acteur était suivi d’un glissement de tissu allégeant leur démarche, chaque accessoire embellissait leur allure.
Les contributions de Foujita dans le domaine du théâtre sont multiples. Dans la lignée de Picasso, qui collabora souvent auprès de Serge Diaghilev pour ses productions, décors et costumes des Ballets russes, Foujita fut impliqué au sein de la Compagnie des Ballets suédois, fondée par Rolf de Maré et installée au Théâtre des Champs-Elysées de 1920 à 1925. Foujita dirigea et confectionna notamment l’ensemble des costumes et décors de l’un de ces ballets, Le Tournoi singulier, né en 1924 sous la direction de Rolf de Maré. Ses projets de costumes et de décors dédiés aux Ballets suédois furent présentés au musée d’Art Moderne de Paris dans les expositions « Cinquantenaire des Ballets suédois : 1920-1925 » en 1970-1971 et « L’Ecole de Paris, 1904-1929, la part de l’autre » en 2000-2001.
En 1928, Foujita travailla sur des décors pour une pièce japonaise de Firmin Gémier, Le Masque, présentée au théâtre de l’Odéon. À la fin des années 1940 au Japon, il participa également à plusieurs représentations du Lac des cygnes de Tchaïkovski.
D’un point de vue plus personnel, le spectacle est partie prenante de la vie de Foujita : l’artiste se met en scène, aime se déguiser et s’habiller de façon excentrique. Durant les Années Folles en France, on s’empresse de le recevoir et de le fêter, des bals-costumés de Montparnasse à Deauville, accompagné de ses amies Joséphine Baker et Mistinguett, vedettes des music-halls. Foujita cultive alors son image de dandy, festif et mondain, auprès des médias, qu’il utilise de façon avant-gardiste pour se faire connaître.